Daniel Tanuro sur Presse-toi à gauche ! le 26 mars
Kohei Saito remet le couvert : Dans « Marx’s ecosocialism. An unfinished critique of the political economy »,
le marxologue japonais montrait comment le Marx de la maturité,
conscientisé à l’impasse écologique capitaliste par les travaux de
Liebig et de Frass, avait rompu avec le productivisme [1]. Son nouvel ouvrage, « Marx in the Anthropocene. Towards the Idea of Degrowth communism », prolonge la réflexion. [2]
Ce livre est remarquable et utile en particulier sur quatre points :
la nature de classe, foncièrement destructive, des forces productives
capitalistes ; la supériorité sociale et écologique des sociétés (dites)
« primitives », sans classes ; le débat sur nature et culture avec
Bruno Latour et Jason Moore, notamment ; la grosse erreur, enfin, des
« accélérationnistes » qui se réclament de Marx pour nier l’impérieuse
nécessité d’une décroissance. Ces quatre points sont d’une importance
politique majeure aujourd’hui, non seulement pour les marxistes soucieux
d’être à la hauteur du défi écosocial lancé par la crise systémique du
capitalisme, mais aussi pour les activistes écologiques. Le livre a les
mêmes qualités que le précédent : il est érudit, bien construit, subtil
et éclairant dans la présentation de l’évolution intellectuelle de Marx
après 1868. Il a malheureusement aussi le même défaut : il présente pour
acquis ce qui n’est qu’hypothèse. Une fois encore, Saito force le trait
à vouloir trouver chez Marx la parfaite anticipation théorique des
combats d’aujourd’hui.